Anatomie du Musicien : Technique et Performance

C'est indéniable : se remettre en question est en soi un privilège.

Le privilège de pouvoir suivre différents chemins pour atteindre un but. Le privilège de corriger le but en fonction de nouveaux besoins et prises de conscience. Je me sens privilégié de faire ce métier, ou plus précisément les métiers de la musique. Les principaux pour moi sont la scène et l'enseignement. Les périodes de remises en question font partie des périodes des plus fécondes de mon histoire musicale.

J'ai commencé à lire le livre « Anatomie du musicien » un jour quelconque pendant une pause entre les cours au conservatoire. Mon regard vers l'élève suivant n'était plus le même : on ne peut pas s'empêcher de penser aux informations et aux réflexions que ce texte nous offre.

Marc a le mérite de donner des noms à tant de choses dont nous soupçonnons sans doute l'existence. Des aspects auxquels nous sommes confrontés, que nous trouvons ici organisés en systèmes, en relation les uns avec les autres, pour que nous puissions les apprivoiser.

J'ai grandi avec la guitare classique. Et sans doute que la nature instable et évolutive de cet instrument a favorisé l'élargissement de mes champs d'intérêt vers d'autres instruments de la même famille : les cordes pincées anciennes (luths, guitare baroque, théorbe...), sans même parler de l'attraction vers de nouveaux anciens répertoires.

Relativiser l'approche physique et conceptuelle de chacun de ces instruments est non seulement excitant, mais aussi bénéfique. Elle nous pousse à une adaptation continue de notre écoute, de nos doigts, de notre corps.

Des ouvrages comme « Anatomie du musicien » nous rappellent qu'un geste doit rester musical. Et qu'il peut être à la fois beau, sain, efficace et plaisant. Et le plaisir nous est cher ! Un musicien qui prend du plaisir est virtuellement capable d'en donner. N’est-ce pas l’un de nos premiers objectifs ? Bien loin de la performance comme un fin en soi ou pire, un moyen pour gagner une compétition, quelle qu'elle soit. J'aime me dire que chacun de nous est, au moins dans une petite chose, ne serait-ce qu'une seule chose, le meilleur de tous. Une simple phrase dans un morceau, une trouvaille dans le doigté, un vibrato sur une note : personne ne le jouera aussi bien que nous. Nous sommes tous uniques.

J'ai le souvenir de l'époque où j'étais jeune étudiant à l'Académie Chigiana et à l'Université de Sienne. Un monsieur très distingué, un noble écossais, venait assister tous les jours aux cours de guitare dans les murs médiévaux du Palais Chigi-Saracini. Un jour, à la pause, en parlant des concours (mais la même chose pourrait se dire des concerts ou tout autre moyen de transmission de son art), cet homme dit une chose que je n'ai plus oublié : "S'il faut passer des concours, c'est pour donner le meilleur de soi-même. Y aller pour gagner ne serait pas vraiment gentil envers les autres." J'en déduis qu'un musicien doit rester un gentleman.

Gabriele Natilla, guitariste, luthiste et professeur.